1. Introduction

En France, l’expression « exposition immersive » s’est imposée pour désigner des dispositifs mêlant projections monumentales, son spatialisé, scénographie sensorielle, parfois réalité virtuelle ou augmentée, afin de donner au visiteur l’illusion de « changer de lieu et de temps ». Le terme est aussi devenu un levier marketing puissant pour attirer des publics plus jeunes ou éloignés des institutions patrimoniales, tout en capitalisant sur l’esthétique spectaculaire du mapping vidéo et des environnements à 360°. L’actualité parisienne en offre une illustration parlante : la « Cité immersive des Fables », produite par Cités Immersives, propose un parcours sensoriel consacré à La Fontaine, avec déambulation, vidéo-mapping et narration d’acteurs, signe d’un marché qui se structure rapidement en France autour d’expériences clés en main, itinérantes ou « nomades ».

2. Genèse et historique des expériences immersives

L’immersif n’est pas né avec le numérique. À la Révolution, Alexandre Lenoir met en scène, au Musée des Monuments français (1795-1816), des fragments et tombeaux dans une dramaturgie historique continue : le public y « entre » littéralement dans un récit national, préfigurant la puissance de la scénographie comme médium d’immersion. Ce musée, deuxième établissement national après le Louvre, a contribué à forger l’idée même de monument historique et a largement attiré les foules avant sa fermeture en 1816.

Au XIXᵉ siècle, les panoramas — rotondes où se déploient des fresques à 360° — industrialisent l’illusion du « paysage total ». Leur succès européen, puis leur déclin face au cinéma, fixent durablement un imaginaire d’immersion visuelle qui ressurgira au XXIᵉ siècle avec la vidéo numérique et les techniques de projection monumentale.

La vague actuelle combine ces héritages avec la VR/AR/MR et l’audio spatialisé ; elle s’appuie en France sur un écosystème d’acteurs des « réalités immersives » (XR) — studios, producteurs, lieux et festivals — qui s’est densifié depuis une dizaine d’années. Les réflexions récentes soulignent la montée en puissance des mondes virtuels et des expériences immersives comme champ d’innovation culturelle et industrielle, où la France cherche explicitement à se positionner.

3. Acteurs et lieux emblématiques en France

A. Culturespaces : pionnier du numérique immersif

À Paris, l’Atelier des Lumières, ouvert en 2018 dans une ancienne fonderie, a posé le standard techno-scénographique : 140 projecteurs, son spatialisé par 50 enceintes, technologie AMIEX, et 1,2 million de visiteurs dès la première année, une fréquentation ensuite stabilisée à très haut niveau. L’intention éditoriale est assumée : toucher des familles et néophytes, avec un dispositif spectaculaire qui a nourri autant l’enthousiasme des publics que les débats critiques sur la « légèreté pédagogique ».

Aux Baux-de-Provence, les Carrières des Lumières prolongent depuis 2012 une histoire plus ancienne de projections dans la carrière. Le site — près de 7 000 m² de surfaces projetées et des volumes monumentaux — enregistre, selon les saisons, entre un peu plus d’un demi-million et autour de 700 000 visiteurs annuels, se maintenant parmi les lieux culturels les plus fréquentés de Provence.

À Bordeaux, les Bassins des Lumières, ouverts en 2020 dans l’ancienne base sous-marine, revendiquent 13 000 m² de surfaces et se présentent comme le plus grand centre d’art numérique au monde ; l’équipement totalise 650 000 entrées en 2022. Le lieu a également accueilli des programmes mêlant art et science, comme « Cell Worlds / Cell Immersion », qui a dépassé 600 000 visiteurs sur sa saison 2022-2023, illustrant une tendance à l’hybridation entre diffusion artistique et médiation scientifique.

B. Autres initiatives

Au-delà de Culturespaces, le maillage s’étoffe. Cités Immersives développe des formats itinérants et thématiques — Vikings, mer et environnement, Fables — capables de circuler de Rouen à l’Île-de-France ou vers Nice dans des versions « nomades », tout en s’adossant à une communication événementielle et à la billetterie en ligne.

Les musées intègrent des dispositifs immersifs temporaires : « Digital Floralia » de Miguel Chevalier transforme en 2025-2026 le Musée des Beaux-Arts d’Angers en espace d’expérimentation, entre installations interactives et univers génératifs, confirmant l’entrée de l’immersif dans la programmation des beaux-arts. À Marseille et ailleurs, des expériences « Monet 360° » se déploient en marque blanche, portées par des opérateurs privés pour un public large.

C. Laval Virtual et les structures de soutien

Né en 1999, le salon Laval Virtual est devenu un rendez-vous international structurant des technologies immersives (XR), fédérant R&D, industriels et créatifs, avec conférences, compétitions et prix. Il joue un rôle d’orchestration et de visibilité unique en Europe.

En parallèle, le Conseil national de la XR (CNXR) s’est constitué pour fédérer plus de 500 organisations publiques et privées et structurer une filière française de la XR (AFXR, Euromersive, FIL, FIS, Laval Virtual, PXN, RA’Pro, VR Connection…). Cette plate-forme de représentation engage études, actions de plaidoyer et rendez-vous sectoriels, en lien avec l’État et les collectivités.

4. Raisons du développement et enjeux

La France figure parmi les pays les plus avancés en Europe sur les réalités immersives, forte d’un réseau de studios, de producteurs et de lieux capables d’exploiter des contenus à grande échelle. Ce maillage s’appuie sur des ressources créatives, une ingénierie d’équipement, des festivals historiques, et une trajectoire publique assumée de soutien à l’innovation culturelle.

Sur le plan des politiques publiques, l’appel à projets « Culture immersive et métavers » de France 2030 soutient la production et la diffusion d’expériences immersives de haute qualité, avec des lauréats annoncés en 2025 et une logique d’investissement visant un « saut » technologique et la souveraineté culturelle. Le dispositif s’inscrit dans une volonté de renforcer la compétitivité des industries culturelles et créatives, d’élargir les publics et d’accélérer l’industrialisation des formats immersifs.

5. Critiques, impacts et perspectives

A. Démocratisation : promesse et limites

Les opérateurs et plusieurs médias soulignent la capacité des expositions immersives à capter des familles et des primo-visiteurs qui ne fréquentent pas spontanément les musées. Les chiffres de fréquentation de l’Atelier, des Carrières ou des Bassins tendent à corroborer cette attractivité, et les tarifs publics affichés restent comparables aux grandes expositions parisiennes. Mais la question de l’accessibilité économique demeure discutée : pour certains, la montée en gamme scénographique encadre un niveau de prix qui relativise l’argument de « démocratisation », en particulier pour les foyers modestes.

B. Expérience émotionnelle vs médiation culturelle

Le débat critique s’est cristallisé très tôt : des analyses ont pointé la « légèreté » pédagogique, la primauté de l’effet visuel et l’« embellissement » des œuvres au risque d’en atténuer la complexité. D’autres voix ont plaidé pour une complémentarité : si l’immersif ne remplace pas la rencontre avec l’original, il peut conquérir de nouveaux publics à condition d’être adossé à une médiation solide, en présentiel ou numérique.

C. Dimension commerciale et « blockbusterisation »

La rentabilité du modèle — fichiers, projecteurs, scénographie reproductible — a favorisé l’essaimage d’expositions « bankables » (Monet, Van Gogh, Titanic, Égypte, etc.) en Europe et en Amérique du Nord, souvent appuyées par des plateformes de marketing et de billetterie. Cet écosystème promeut la logique d’événement-marque, l’acquisition digitale d’audience et la standardisation de formats exportables.

D. Vers l’avenir : innovation et hybridation

La trajectoire française se dirige vers des formats hybrides combinant XR, vidéo-mapping, capteurs interactifs, sons binauraux et narrations situées. Les exemples récents d’installations muséales immersives et de programmes art-science laissent entrevoir des écritures plus documentées et des coopérations accrues avec la recherche, tandis que Laval Virtual et le CNXR poursuivent la structuration de la filière. La question clé sera l’invention de modèles éditoriaux où l’émotion ne se substitue pas à la connaissance, mais la sert, grâce à des cahiers des charges de médiation et à des métriques d’impact public renouvelées.

6. Conclusion

Portée par des opérateurs puissants, des lieux iconiques et un volontarisme public, la France est devenue l’un des terrains d’expérimentation les plus visibles des expositions immersives. Cette convergence entre culture, technologie et marketing redéfinit la médiation patrimoniale, stimule des publics nouveaux et dynamise des territoires, tout en soulevant des interrogations légitimes sur l’objet d’art, la profondeur des contenus, l’accessibilité sociale et l’empreinte économique. L’équation à résoudre n’est pas de choisir entre spectacle et savoir, mais d’adosser l’attrait émotionnel à une exigence curatoriale, pédagogique et scientifique robuste — condition d’un leadership français durable dans cette « culture de l’immersion ».

L’art, le visage et le cerveau : une étude pionnière et une opportunité pour repenser la médiation muséale

Par Sabetrend, spécialiste des goodies culturels et supports de médiation pour institutions muséales

Alors que les musées cherchent sans cesse à renouveler leur rôle dans la société contemporaine, une étude scientifique inédite menée au musée des Beaux-Arts de Caen redonne à l’art une place centrale dans le bien-être humain.
Intitulée ABC – Art, Bien-être, Cerveau, cette initiative ouvre des perspectives fascinantes non seulement pour la recherche médicale, mais aussi pour les professionnels de la culture.
Chez Sabetrend, nous y voyons une nouvelle manière de repenser la médiation culturelle à travers les objets et les expériences. Lire la suite

À mesure que l’intelligence artificielle redéfinit le paysage de la communication visuelle, sa capacité à générer des images sophistiquées et de haute qualité est incontestable. Qu’il s’agisse de conceptions graphiques élaborées ou de portraits photoréalistes, les créations visuelles produites par l’IA ont déclenché un vif débat au sein de la communauté créative. Les avancées technologiques de l’IA posent une question essentielle : l’intelligence artificielle peut-elle un jour remplacer véritablement la subtilité et la touche humaine dans le domaine du design ?

L’évolution du monde du design

Le monde du design est en constante évolution, façonné par les tendances émergentes, les avancées technologiques et les changements sociétaux. Autrefois considéré comme un simple exercice esthétique, le design a pris une dimension beaucoup plus vaste, englobant des aspects fonctionnels, ergonomiques et durables. Les designers d’aujourd’hui sont appelés à repenser les produits, les espaces et les expériences pour répondre aux besoins complexes des utilisateurs et aux défis environnementaux. L’essor du numérique a révolutionné le processus de conception, offrant de nouveaux outils et de nouvelles possibilités créatives. De plus, la prise de conscience croissante de l’importance du design inclusif et accessible a conduit à une approche plus centrée sur l’humain. En somme, le design évolue constamment pour s’adapter aux changements sociaux, technologiques et environnementaux, tout en continuant à façonner notre monde de manière significative.

L’arrivée de l’IA dans le secteur du design

L’intelligence artificielle (IA) a fait une entrée remarquable dans le domaine du design, ouvrant de nouvelles perspectives créatives et remettant en question les notions traditionnelles d’auteur et de processus créatif. Un exemple frappant est la vente aux enchères en 2018 du « Portrait d’Edmond de Belamy » par Christie’s, une œuvre picturale entièrement générée par une IA utilisant des réseaux antagonistes génératifs. Cette vente historique a suscité de vifs débats sur le statut de l’IA en tant que créatrice artistique.

Un autre exemple notable est l’utilisation de l’IA pour imaginer des mondes alternatifs, comme dans l’œuvre « Terre Seconde » de Grégory Chatonsky en 2019, qui présente une version alternative de la planète Terre générée par une IA. Ces expériences remettent en cause les frontières entre l’humain et la machine dans le processus créatif, ouvrant la voie à de nouvelles formes d’expression artistique et de design.

Créativité et expérience humaine

Bien que l’IA excelle à créer des visuels et à automatiser des processus répétitifs, elle ne possède pas encore la capacité d’incorporer de la profondeur émotionnelle ou un contexte culturel dans ses œuvres, éléments caractéristiques des designers humains. Les campagnes telles que les publicités inclusives de Nike, conçues avec une compréhension approfondie des expériences humaines, résonnent personnellement avec l’audience. Ces initiatives, menées par des êtres humains, mettent en lumière l’importance irremplaçable de la créativité humaine, suggérant que si l’IA peut soutenir la création, elle ne peut pas la remplacer.

Le terrain de jeu fertile du design de demain

L’intelligence artificielle ouvre des horizons inexplorés dans le monde du design, offrant des possibilités novatrices pour repousser les limites de la créativité. Loin d’être une menace, l’IA se présente comme un puissant allié, améliorant l’efficacité des processus et stimulant l’innovation grâce à ses capacités d’analyse de données massives et de génération d’idées inédites. Cependant, l’avenir du design ne repose pas uniquement sur cette technologie révolutionnaire ; il s’agit plutôt d’une synergie harmonieuse où les outils d’IA sont employés pour compléter et augmenter la créativité humaine intrinsèque.

Ce partenariat envisage un terrain de jeu fertile et dynamique pour les designers de demain. L’IA peut prendre en charge les tâches répétitives et chronophages, libérant ainsi l’esprit créatif des concepteurs pour se concentrer sur des aspects plus stratégiques et conceptuels. De plus, en explorant des combinaisons de formes, de couleurs et de matériaux inattendues, l’IA peut inspirer de nouvelles directions esthétiques et fonctionnelles, stimulant l’imagination humaine.

Loin d’éclipser l’élément humain vital à l’essence même du design, l’IA se positionne comme un catalyseur de créativité, amplifiant les idées audacieuses et les visions uniques des designers. Ce terrain de jeu émergent promet de redéfinir les frontières de la conception, en mariant harmonieusement l’ingéniosité humaine et les capacités computationnelles de pointe pour créer des expériences, des produits et des environnements véritablement transformateurs.

IA vs. Design personnalisé : Pourquoi la touche humaine est irremplaçable

La différence entre les créations générées par l’IA et celles conçues par l’homme devient évidente dans les tâches personnalisées telles que la création de marques et de logos. L’IA, malgré sa puissance informatique, ne peut pas encore capturer l’esprit unique ni la narration émotionnelle qu’un designer humain peut exprimer. La compréhension profonde de l’identité fondamentale d’une marque et la touche personnelle apportée à l’adaptation d’un logo pour refléter cette identité sont exclusivement humaines, soulignant le rôle durable des designers dans un monde dominé par l’IA.

Tournés vers l’avenir, il est clair que l’IA continuera à jouer un rôle significatif dans l’industrie du design, optimisant les processus et générant de nouvelles opportunités. Néanmoins, l’essence du design – profondément ancrée dans la créativité, l’émotion et la connexion humaines – demeure fermement entre les mains des designers humains. L’IA est un outil puissant, mais la magie du design, la connexion qui évoque l’émotion et suscite une réponse, exigera toujours la touche humaine. Ainsi, l’avenir du design ne réside pas dans le choix entre l’IA et les designers humains, mais dans l’exploitation des forces de chacun pour repousser les limites de la créativité au-delà de toute imagination.

Les musées, en tant que gardiens de la culture et de l’histoire, sont idéalement placés pour montrer l’exemple dans ce virage global entrepris vers la durabilité environnementale. Dans cette introduction détaillée, nous explorerons comment les musées du monde entier adoptent des pratiques innovantes pour minimiser leur empreinte écologique, de la conservation de l’énergie et de la construction durable à des programmes publics engageants qui favorisent la sensibilisation environnementale. En mettant en valeur ces efforts, Sabetrend vise à inspirer et à guider les institutions culturelles dans leur parcours vers la durabilité, mettant en lumière le pouvoir transformateur de la technologie et de la pensée innovante dans la préservation de notre planète pour les générations futures.
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Salon International du Patrimoine Culturel 2023 : Un rendez-vous incontournable

Le Salon International du Patrimoine Culturel, organisé par Ateliers d’Art de France, est l’événement phare du secteur patrimonial. Depuis 2009, il s’est imposé comme le rendez-vous annuel des principaux acteurs du domaine : professionnels de la restauration, de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine, qu’il soit bâti, non bâti, matériel ou immatériel. Chaque année, le salon accueille plus de 300 exposants et 20 000 visiteurs, aussi bien des professionnels que du grand public, pendant 4 jours au Carrousel du Louvre à Paris. Lire la suite